Gustave Doré et la photographie

Dans le cadre du colloque autour de Gustave Doré (29 et 30 avril 2014), au Musée d’Orsay,
Par Dominique de Font-Réault (Musée Delacroix, Le Louvre)

Gustave Doré est un représentant de l’expression et de la mise en scène au service du spectateur. Il a toujours cherché l’émotion, les larmes, le « pathos ». Grand romantique, amoureux à jamais blessé, il découvre une première fois la photographie en 1855 lors de l’Exposition Universelle. C’est en 1870, en Angleterre qu’il va comprendre que son oeuvre est une oeuvre photographique. Grand représentant du photoréalisme et de l’imaginaire tragi-comique, il devient très vite l’ami des plus grands, quelques-uns l’ayant déjà inscrit au rang des représentants de son siècle, par la photo : Cameron, avec qui il travaillera à plusieurs reprises, Rejlander, Nègre, Collie, … Les photographes britanniques de la fin du dix-neuvième siècle, comme Louis Brun (London Poors, 1869) rendent compte d’une société londonienne, affamée, désœuvrée, abandonnée par la bourgeoisie, et par elle-même. Cela est d’autant plus frappant que le courant artistique à l’oeuvre est un des plus raffiné ; l’esthétique du support, cette photographie avec laquelle les jeux de lumières, textures, cadres, contrastes, flous, permettent de révéler une singularité graphique, modèle pour les dessins animés français du début des années 80.

La pauvreté se laisse photographier. Estampes, contrastes brutes pour montrer les visages de ceux qui prennent la pose amaigris, faibles, tissus crasses, beaucoup d’enfants abandonnés au regard blessé. On retrouve la main de Gustave Doré dans les multiples ambrotypes de l’époque qui donnent au cadre un rôle particulier, une forme nouvelle. L’ovale est la signature de Doré pour ses illustrations, la limite du « lieu où la scène se déroule ». Hors-champ plus rien n’existe. Et les protagonistes de ces photographies, s’il meurt de faim hors-cadre, donne à l’ovale des rondeurs d’une beauté saisissante.

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